Cette année, plus que jamais, les médias semblent s’être mis d’accord pour souligner les méfaits du tourisme. On n’a jamais autant entendu parler du surtourisme…
C’est à en oublier que chaque année, 3 à 4 personnes sur 10 ne partent pas en vacances. Pourtant, les vacances sont un droit, au même titre que l’accès aux loisirs et à la culture.
Au cœur de cette quête d’inclusion et de justice sociale, se trouve le Tourisme Social et Solidaire (TSS), une branche du tourisme méconnue mais essentielle. Mais qui sait réellement ce qu’est le tourisme social et solidaire ? Qui connaît réellement les différentes aides disponibles, tant au niveau régional que national, pour rendre les vacances accessibles à tous ?
C’est dans cette optique que pour un épisode de notre podcast Le Vert à Moitié Plein, nous nous sommes rendus dans les locaux de la branche Occitanie de l’Union Nationale des Associations du Tourisme (UNAT), le fer de lance du Tourisme Social et Solidaire en France. Là-bas, nous avons rencontré Georges Glandières, vice-président de l’UNAT Occitanie, qui nous a éclairés sur les actions menées par l’UNAT tant au niveau national que régional.
Nous vous proposons dans cet article une partie de la retranscription de notre échange avec l’UNAT Occitanie. Si vous préférez écouter l’épisode de podcast, c’est par ici !
Important : le texte retranscrit ci-dessous a pu être légèrement adapté pour faciliter la lecture et pour une meilleure compréhension de cet article. De plus, les informations aujourd’hui obsolètes ont été retirées pour ne pas créer de confusion. Les propos complets sont disponibles dans l’épisode de podcast, disponible sur toutes les plateformes d’écoute.
Elise Cabane : Pour commencer, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les missions et valeurs de l’UNAT et du Tourisme Social et Solidaire ?
Georges Glandieres : L’UNAT, c’est une structure nationale et une structure indépendante dans chaque région. Mais l’UNAT n’est rien en elle-même. Elle fédère, elle regroupe, des acteurs qui sont les villages de vacances, les centres de vacances, les auberges de jeunesse, les centres internationaux de séjours, les refuges de montagne… Ce sont eux qui constituent l’UNAT. Le tourisme social et solidaire, c’est la filière du tourisme à gestion désintéressée. Le mot gestion désintéressée veut simplement dire que chaque opérateur est attentif à sa gestion. Ce n’est pas parce qu’on est une association qu’on ne fait pas des excédents de gestion. Sauf que, à l’inverse des entreprises privées, les excédents de gestion ne sont pas distribués à des actionnaires mais sont réinvestis dans l’outil de travail.
Elise Cabane : Et globalement, en chiffres, que représente l’UNAT et l’UNAT Occitanie ?
Georges Glandieres : Au plan national, l’UNAT, ou plutôt l’ensemble des adhérents, regroupe environ 1500 établissements, 250 000 lits, 3 millions de vacanciers, 15 millions de nuitées et un budget qui flirt avec les 800-900 millions d’euros. Pour l’UNAT Occitanie, on regroupe 120 à 130 adhérents, 35 000 lits, 600 000 vacanciers, 3 millions de nuitées et un budget qui flirt avec les 200 millions d’euros. On peut considérer que ça représente environ 8000 emplois. Peut mieux faire, mais c’est pas mal !
Elise Cabane : Qui peut adhérer à l’UNAT ? Et partir avec l’UNAT ?
Georges Glandieres : L’UNAT regroupe des adhérents attachés à des valeurs. Les valeurs, c’est le droit aux vacances pour tous, la solidarité, la mixité sociale. Après, tous les publics sont concernés. Au niveau de l’idée que se font les gens du tourisme social et solidaire, ça pourrait être un tourisme misérabiliste, or, ce n’est pas du tout le cas ! Les équipements du tourisme social et solidaire reçoivent tout type de public et reçoivent aussi forcément des publics plus “fragiles” qui peuvent bénéficier d’aides. Les établissements reçoivent beaucoup de groupes aussi. Ca peut être des groupes sportifs qui pratiquent le vélo, la randonnée, qui vont dans un établissement parce qu’il est situé près d’un site reconnu à l’UNESCO comme au Cap Découverte près d’Albi par exemple… Ca peut aussi être des séminaires d’entreprises… Donc une typologie de public très large.
Elise Cabane : Vous parlez des aides. Quelles vont être ces aides ? D’où proviennent-elles ?
Georges Glandieres : Les aides peuvent venir des Caisses d’Allocations Familiales (CAF), des Comités d’Entreprise, des municipalités pour les colonies de vacances notamment, de l’Agence Nationale du Chèque Vacances (ANCV)…
Elise Cabane : Et le côté social de l’UNAT, c’est aussi parce que ça génère de l’emploi ?
Georges Glandieres : L’UNAT, ou plutôt ses adhérents, ce sont aussi des équipements implantés dans des territoires et qui participent à la vie des territoires, surtout en milieux ruraux, parce que ce sont des équipements où se trouvent de l’emploi, qui génèrent une activité économique non négligeable.
Elise Cabane : Et c’est plutôt quel type d’emplois ?
Georges Glandieres : Si j’essaie de faire une typologie, tous les métiers du tourisme de l’hébergement et de la restauration. Ce sont des métiers qui aujourd’hui, connaissent une tension et posent un véritable problème de formation et de recrutement. L’UNAT Occitanie est d’ailleurs en train de mettre en place une politique un peu ambitieuse de formation pour valoriser ces métiers et attirer en particulier des jeunes. La deuxième catégorie de métiers, c’est tout ce qui touche à l’animation. Soit, cette animation est assurée par les équipements eux-mêmes. Soit, les équipements font appel à des prestataires extérieurs. Cela peut être des moniteurs randonnée et de moyenne montagne, des moniteurs de kayak, de canyoning, d’équitation… Je pourrais comme ça multiplier les exemples et vous aurez un podcast de 3 heures !
Elise Cabane : Et vous disiez que l’UNAT participait à la vie et à l’attractivité des territoires. En Occitanie par exemple, est-ce que la plupart des personnes qui partent grâce à l’UNAT sont Occitans ?
Georges Glandieres : Exactement. On se rend compte, en particulier depuis la pandémie, que le tourisme intéresse les gens de la proximité. Le tourisme de proximité se développe beaucoup et en particulier en Occitanie. Il y a un fort pourcentage d’Occitans qui fréquentent les équipements du TSS, surtout au niveau des loisirs. C’est d’ailleurs pour ça que le Comité Régional du Tourisme (CRT) est devenu le Comité Régional du Tourisme et des Loisirs (CRTL) par exemple.
Elise Cabane : L’UNAT Occitanie a-t-elle des liens forts avec le CRTL d’Occitanie ?
Georges Glandieres : L’UNAT est administratrice du CRTL. Nous travaillons avec le CRTL et avec le Conseil Régional de Midi Pyrénées pour promouvoir les classes découvertes. Ce sont moments importants dans la vie d’un enfant parce qu’elles permettent un apprentissage de la vie en collectivité, un apprentissage de comment se comporter avec d’autres personnes. Elles rendent aussi les enfants plus autonomes vis-à-vis de leurs familles. Aussi, l’UNAT Occitanie mène avec le Conseil Régional, les Caisses d’allocations familiales et les mutualités sociales agricoles, une opération emblématique. C’est la seule en France de ce niveau là, et ça depuis 1996 : l’opération 1er Départs en vacances. Elle permet à 2400 enfants de familles fragilisées de découvrir un séjour en colonie de vacances à un tarif vraiment très modeste de 70 euros. C’est à peu près le tarif d’une journée. Mais 2400, ce n’est que cette opération, il y a bien plus d’enfants qui partent !
Elise Cabane : Oui bien sûr, c’est ce que vous disiez tout à l’heure. Et est-ce qu’on connait le nombre de personnes qui ne partent pas en vacances en France ?
Georges Glandieres : Ce nombre est à peu près stable, il augmente un petit peu. On peut imaginer que c’est environ 3 à 4 personnes sur 10 qui ne partent pas en vacances. C’est-à-dire au mieux entre 60 et 70% de personnes qui partent en vacances. Et au niveau des enfants, il n’y a pas de statistiques récentes mais ça n’a pu qu’augmenter. Il y a environ 3 millions d’enfants qui ne partent pas en vacances.
Elise Cabane : Alors que les vacances sont un droit ?
Georges Glandieres : Oui, effectivement, il y a eu un texte de loi en 1998 qui reconnaît le droit aux vacances au même titre que d’autres composantes de la vie en société. On connaît bien la personne qui a fait voter ce texte en 1998, c’est Michelle Demessine, qui était secrétaire d’Etat au Tourisme et qui est aujourd’hui présidente de l’UNAT Nationale.
Elise Cabane : On a parlé du public enfants et familles. Au niveau du public sénior, est-ce que vous avez aussi des actions spécifiques ?
Georges Glandieres: Les séniors ont effectivement des difficultés à partir en vacances. L’ANCV a mis en place une opération pour permettre aux séniors de partir en vacances. Les séjours coûtent alors aux alentours de 150 euros pour 8 jours. Souvent, l’aide de l’ANCV est complétée par les aides de la commune de résidence des séniors et quelques fois par des caisses de retraite complémentaires. En Occitanie, on mène avec la mairie de Toulouse une opération “séniors toulousains en vacances”. Elle permet chaque année à un peu plus de 300 séniors de Toulouse intra muros de bénéficier d’un séjour d’une semaine en village de vacances. J’ai aussi oublié un partenaire essentiel dans le cadre de cette opération, ce sont les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT, qui participent aussi au financement de ces séjours. Les séjours se déroulent forcément dans des villages d’Occitanie.
Elise Cabane : Est-ce que ça existe dans d’autres villes au niveau national ?
Georges Glandieres: Oui bien sûr, je crois que c’est 75 000 séniors qui peuvent bénéficier de l’aide de l’ANCV. Pour en bénéficier, il faut être juste au seuil d’imposition à l’impôt sur le revenu. Mais, l’opération toulousaine est un peu exemplaire dans la mesure où l’UNAT pour rendre service à ses adhérents, sert d’intermédiaire dans l’organisation de cette opération. On choisit les villages de vacances et on sert d’intermédiaire dans les négociations avec la commune, l’ANCV et la CARSAT.
Elise Cabane : Les séniors, les enfants, les familles, avez-vous d’autres publics ?
Georges Glandieres: Nos centres mènent une politique d’accueil pour les personnes en situation de handicap. Sur les 2400 enfants qui bénéficient de l’opération 1er Départs, il y a à environ 200 enfants porteurs de handicap. C’est de l’inclusion. Les enfants porteurs de handicaps participent au séjour au même titre que les autres enfants. Ce ne sont pas des séjours spécialisés. Et puis, la variété des handicaps est très large. Selon le degré, l’enfant peut être accompagné d’un animateur qui a en charge la vie en centre de vacances de cet enfant.
Elise Cabane : On arrive à la fin de cet épisode de podcast, est-ce que vous avez quelque chose à rajouter ? Un mot de la fin ?
Georges Glandieres: Je disais que les adhérents de l’UNAT participaient à l’attractivité des territoires. Depuis longtemps, les adhérents mènent des actions en direction d’un tourisme responsable, durable. Ça se traduit de différentes manières. D’une part par les circuits courts et les produits locaux. D’autre part, c’est équiper les salles de bain de mitigeurs, de robinets économiseurs d’eau. Ce sont des exemples bateaux mais ces actions sont menées depuis longtemps. L’UNAT est d’ailleurs depuis 3 ans partenaire de l’ADEME. Dans ce cadre, on voit quels investissement d’envergure peuvent être mis en route pour la transition écologique. Aussi, les équipements peuvent bénéficier du fond tourisme durable, FTD pour les initiés. Donc on est à fond dans cette dynamique ! Pour autant, on n’oublie pas notre rôle premier d’éducation et d’information. On a tourné 4 vidéos dans les centres et villages de vacances pour animer des actions autour des éco gestes.
Elise Cabane : Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation pour participer au Vert à Moitié Plein. Ça fait du bien de rappeler, surtout sur ce podcast où on parle de beaux voyages en France ou à l’étranger, que les vacances ne devraient pas être un luxe réservé à quelques privilégiés, mais un droit fondamental accessible à tous.
Georges Glandieres : Exactement. Et pour conclure, il y a une citation que j’aime bien de Martin Malvy, ancien président de la région Midi Pyrénées. Il venait chaque été sur un séjour de l’opération 1er Départs en vacances et, un jour, en discutant avec nous et un journaliste, a dit : “mais que peut raconter un enfant le jour de la rentrée s’il n’est pas parti en vacances ?”