Dénommé, le poumon de la Terre, la forêt amazonienne joue un rôle essentiel pour la vie terrestre. En plus d’abriter une biodiversité exceptionnelle, elle participe à la régulation du climat. Depuis le ciel, des satellites veillent à son état de santé. Combiner les images des satellites aux initiatives humaines au sol permet de lutter contre la déforestation amazonienne massive. Penser globalement et agir localement sont les solutions pour relever ce défi environnemental.

Par sa naturalité originelle et sa grandeur, la forêt Amazonienne est un des poumons verts de notre planète. Avec sa superficie de 6,5 millions de km 2, elle enrichit par son incroyable biodiversité neuf pays d’Amérique du Sud. Parmi eux, le Brésil qu’elle recouvre de 63 %. Mais c’est parce qu’elle est un fabuleux réservoir naturel qu’elle est surexploitée. Depuis 1970, sa forêt, son sol, ses rivières, tout son écosystème est détruit par les activités humaines. L’orpaillage et la déforestation en pillant la forêt amazonienne contribuent au réchauffement climatique. La déforestation amazonienne provoque presque 20 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone.

Protéger la forêt amazonienne est donc un enjeu planétaire mais également local. Sans sa couverture végétale, les services écosystémiques qu’elle nous offre, n’existent plus. Et de nombreux peuples autochtones dépendent de ses services. Des actions pour défendre ce poumon vert fleurissent à travers le monde. Au long de notre article, nous verrons comment les données satellites peuvent prévenir des pressions anthropiques. Et enfin, nous prendrons l’exemple de la Guyane Française qui est engagée contre la déforestation amazonienne.  

Les forêts, poumons verts de notre planète

La notion de poumon vert implique une respiration. Dans sa version humaine, la respiration consiste à inspirer de l’oxygène et à expirer du dioxyde de carbone. L’exact inverse du monde végétal où le gaz carbonique est capté par les feuilles lors de la photosynthèse.

La forêt amazonienne est responsable environ de 5 à 6% de la production d’oxygène sur terre (comparé à 50% pour les océans). A l’état d’équilibre, une forêt rejette autant de gaz carbonique qu’elle en absorbe. Mais le déséquilibre, causé par l’homme avec la déforestation ou par la nature avec les tempêtes, font qu’une forêt peut générer plus de gaz carbonique qu’elle en capte. Arriver alors à un bilan positif sous-entend une protection et une préservation de la forêt en question sur une durée suffisamment longue pour arriver à ce stade de “générateur” d’oxygène. État indispensable pour l’équilibre climatique et le développement durable de l’écosystème sous-jacent. 

Sur l’échelle temporelle, et comme tout acte de destruction dans la vie courante, la dégradation d’un écosystème prend quelques mois. Au contraire, sa restitution prend des années. D’où l’importance des actions de préservation, indispensables pour le maintien de l’équilibre des écosystèmes.

Sur les deux rives de l’océan atlantique, nous trouvons deux zones très étendues et ayant atteint ce stade de “générateurs”, les forêts amazoniennes et africaines. Ces poumons des écosystèmes terrestres et leur biodiversité sont de vrais patrimoines mondiaux de l’humanité. Ensembles elles œuvrent pour la vie, son maintien et sa qualité. 

La déforestation amazonienne surveillée par les satellites

Les forêts tropicales sont des puits carbones stockant une quantité considérable de carbone. Par exemple, il est estimé que la forêt humide primaire de la Guyane Française stocke environ 1 milliards de tonnes de carbone. Elle compense ainsi nos activités humaines équivalente à un pays comme l’Allemagne (par année). Le suivi et l’observation continue de ces puits est alors indispensable pour garantir leur préservation.

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Image satellite de la Guyane Française © Murmuration

L’outil satellite est particulièrement intéressant et pertinent pour le suivi à grande échelle. De plus, quand il s’agit de végétation, les capteurs disponibles sur les satellites sont d’une grande richesse. Ils permettent d’observer, mesurer et quantifier l’évolution du végétal et son état de santé.

Déterminer l’état de santé de la Guyane Française avec les données satellites

Après avoir observé l’évolution saisonnière à l’échelle continentale en soulignant cet effet de respiration, nous nous focalisons sur la région de la Guyane Française. C’est en utilisant un indicateur simple, le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) que nous sommes en mesure de visualiser le changement de la végétation. Cet indicateur mesure la différence entre la lumière réfléchie dans le spectre visible et le spectre proche infrarouge. Ainsi, il indique la densité de la couleur verte sur une surface terrestre. Un satellite survolant la terre à des centaines de kilomètres peut cartographier régulièrement toutes les zones de végétation. Il détermine leur état de santé à des résolutions allant de quelques dizaines de centimètres à quelques centaines de mètres. 

Comparaison des NDVI moyens annuels entre la Guyane Française et l’Amérique du Sud entre 2000 et 2020 :

Comparaison des NDVI moyens mensuels entre la Guyane Française et l’Amérique du Sud entre 2000 et 2020 :

Nous pouvons observer une bonne saisonnalité dans la tendance du NDVI sur chaque année. Pour en savoir plus sur la saisonnalité, nous pouvons examiner la moyenne mensuelle globale du NDVI entre 2000 et 2020.

Gros plan sur la capitale de la Guyane française et sa région environnante

Utilisé seul, l’indice de végétation présenté ci-dessus a ses limites. En effet, souvent la déforestation amazonienne laisse la place à des monocultures diverses. Ces dernières continuent à apparaître comme des zones de végétation en utilisant cet indice. Nous devrons alors combiner le NDVI avec une autre mesure plus représentative de la structure des arbres ou des méthodes d’intelligence artificielle où les changements abrupts de végétation (rappelons que nous pouvons avoir plusieurs mesures par jour) sont détectés, répertoriés et suivis. Ces méthodes nous permettent de comprendre les dynamiques du changement. Nous pouvons ainsi alerter en cas de détection d’anomalies.    

Appliquer ce type de méthode sur la forêt amazonienne nous permet de constater une quasi stabilité de l’étendu de la forêt en Guyane Française (baisse de 0.5% au cours des 20 dernières années). Ailleurs en Amazonie, elle baisse considérablement. Par exemple, 10% de baisse dans la région adjacente de Para au nord du Brésil sur la même période. 

La Guyane française, région engagée contre la déforestation amazonienne

Cette étude scientifique de l’évolution de la couverture végétale et les discordances croissantes apparentes nous expose une région profondément fragilisée. Les campagnes de reboisement sont souvent pointées comme seule solution au phénomène de déforestation. Ce dernier a déjà détruit 17,3 % des forêts tropicales humides depuis 1990. Or, la croissance sylvicole est relativement lente. Il convient aussi de prendre en compte des initiatives en matière de prévention de la destruction des écosystèmes.

Riche de biodiversité mais aussi très fragile, la Guyane française n’échappe pas aux pressions anthropiques locales sud-américaines. Cette région propose plusieurs initiatives afin d’accompagner la résilience environnementale à s’implanter durablement. Recouverte à 92% de forêts primaires et d’un réseau fluvial complexe, elle cumule de nombreux enjeux en matière de développement durable. Son développement a été pensé afin de respecter ses populations, sa richesse patrimoniale et environnementale.

Parc Amazonien par Melanie Dinane – Wikipédia CC BY-SA 4.0

Créé en 2007, le parc Amazonien couvre une surface de 20,300 km2. Son extension brésilienne, située au cœur de la Guyane, est un exemple de cette richesse. Il relie le parc des Montagnes du Tumucumaque. Il est considéré comme le plus grand espace tropical sous protection régionale à l’échelle planétaire. Officiellement créés par la Loi du 22 juillet 1960, les parcs reconnus en France permettent de donner une place importante au développement durable dans ces territoires.

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Exploitation aurifère illégale en Amazonie

Le développement durable a une résonance toute particulière sur ces espaces. En effet, bien qu’ils présentent une biodiversité extraordinaire, des externalités anthropiques déstabilisent l’ensemble. Parmi les plus menaçantes, la prospection de l’or, le développement urbain exponentiel et les exploitations mal développées pour la gestion des ressources en eau. Un projet avait notamment été particulièrement controversé ces dernières années en raison de son impact écologique : le projet Montagne d’or. Ce projet de mine aurifère à ciel ouvert de près de 3km prévoyait un déboisement de plus de 1500 hectares. Celui-ci a finalement été enterré en raison de sa contradiction avec le développement local et durable de la Guyane et son impact en matière de réchauffement climatique.

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Campagne de reboisement en Amazonie

Au-delà des actions de résilience par le reboisement, des campagnes de lutte contre la destruction des écosystèmes existent. Les initiatives suivantes peuvent notamment être soulignées en Guyane.

Le sentier carbone

Les forêts constituent des puits de carbone important qui le stockent mais également le relâchent lors de leur destruction. En disparaissant, elles contribuent au réchauffement climatique par le rejet du CO2. Créé grâce à l’appui de WWF en 2014, ce sentier pédagogique permet de découvrir les processus de production et de stockage du carbone dans les écosystèmes. Le cycle du carbone mis en lumière permet de comprendre le lien qu’il existe avec le réchauffement climatique. Au cœur de la forêt en elle-même, sur 1,5 km, il s’agit d’une initiative de sensibilisation qui s’intègre directement à son environnement.

La lutte contre la déforestation illégale

Riche en ressources minières, la Guyane est régulièrement impactée par l’orpaillage illégal. Les projets de mine font usage d’explosifs et de sulfure qui perturbent les écosystèmes. Une des solutions envisagées est notamment l’extension de la protection de ces espaces grâce à la reconnaissance des parcs, des réserves, des zones de protection des terres indigènes et de gestion durable. Elle poursuit également ses efforts grâce à son intégration dans les mécanismes REDD+ en étant partie-prenante avec l’ONF International de la Plateforme technique régionale de développement de REDD+ sur le Plateau des Guyanes.

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L’Amazonie face à la déforestation

D’autres initiatives sont dores et déjà programmées pour poursuivre les efforts de prévention. En 2021, les principaux axes de travail mis en avant par l’Agenda régional de la Guyane pour 2021 sont les suivants :

  • Constitution d’une banque de données sur les richesses de la biodiversité en Guyane
  • Mise en place d’un observatoire des ressources naturelles 
  • Mise en place d’échanges entre scientifiques de différentes disciplines, spécialistes de la biodiversité amazonienne 
  • Création d’une structure régionale de recherche sur la biodiversité

En conclusion, la forêt amazonienne est un espace fragile où il est possible de percevoir une accélération du déboisement, déstabilisant l’ensemble des écosystèmes. En effet, l’usage des données satellites met en évidence les conséquences de l’empreinte anthropique notamment concernant le renouvellement de la couverture végétale. Le reboisement étant une méthode de résilience sur le long terme, nous avons mis en évidence diverses initiatives de préservation à la source.  L’exemple avec la Guyane Française qui reflète une volonté locale de poursuivre son développement mais en préservant son patrimoine naturel. De nombreux défis restent à relever face à de profondes mutations observables. Le massage cardiaque pour maintenir le poumon de la Terre en vie doit encore et toujours être repensé à l’aune des enjeux de demain.