Soumis aux effets du réchauffement climatique, l’Arctique est un territoire de plus en plus convoité. Ses paysages sauvages, ses ressources naturelles avant inaccessibles, le deviennent à cause de la fonte de ses glaces. L’ouverture des routes maritimes commerciales amène aussi le tourisme. 

Le tourisme enjeu géopolitique stratégique

Longtemps perçue comme une destination extrême, l’Arctique et ses routes du Grand Nord se sont ouvertes avec la fonte des glaces. Ainsi le tourisme commence peu à peu à se développer dans cette région du monde longtemps isolée. En effet, entre 2013 et 2019, une hausse de 35% du nombre de bateaux transportant des touristes dans la région a été constatée.

Son ouverture au monde peut engendrer de nombreux progrès en matière d’infrastructures et de valorisation des formes de cultures autochtones. En effet, sur ce territoire de 8,5 millions de kilomètres carrés couvrant la Russie, la Norvège, le Danemark, l’Islande, le Canada, et les États-Unis, habitent plus de 500 000 habitants regroupés en grands groupes ethniques. Peuvent notamment être cités les Samis, les Inuits, les Nenets, les Tchouktches, les Koriaks, les Dolganes et les Evenks. 

Le 20 mai 2021, la Russie est arrivée à la présidence du Conseil de l’Arctique, un forum intergouvernemental important pour la diplomatie régionale. Un des piliers de sa politique se situe dans la valorisation du tourisme.

Voici en effet l’un des points phares de sa motivation à la présidence : “Le développement durable de l’Arctique est largement déterminé par la qualité du capital humain. La présidence russe se concentrera principalement sur l’amélioration de la durabilité, de la résilience et de la viabilité des communautés arctiques (…) La promotion des échanges scientifiques, éducatifs et culturels, du tourisme et des contacts entre les peuples et les régions figurera également parmi ses priorités.” 

Cela passe notamment par une volonté de revaloriser le patrimoine et l’histoire de ces peuples, également fragilisés par les enjeux géoclimatiques ayant cours dans le Grand Nord.

Avec la fonte des glaces, le regain d’intérêt pour l’arctique se manifeste également au travers de la volonté d’exploration maritime pour observer sa faune extraordinaire. Ours polaires, narvals, bélugas, morses, de nombreuses espèces nagent dans les eaux du cercle polaire. Ainsi se développe peu à peu le tourisme marin avec la multiplication des circuits proposés. En raison de la grande fragilité des écosystèmes, le Conseil de l’Arctique œuvre notamment en faveur d’une forme spécifique de tourisme : le tourisme marin durable. 

Pour cela, il observe la fonte des glaces via les images satellites. Un projet intergouvernemental vise à suivre les tendances des navires à vocation touristique et analyse leur influence depuis les zones côtières. L’objectif serait de pouvoir préparer en amont les projets de circuits en mer. Pour le moment 109 navires sillonnent les eaux, mais ce chiffre devrait doubler d’ici deux ans.

Que visiter en Arctique ?

La beauté des paysages arctiques attire de nombreux touristes. Paradoxalement, c’est le dérèglement climatique qui rend la contemplation de ces paysages possible. En effet, la fonte des glaces crée de nouveaux chemins commerciaux et touristiques. Ce qui devrait être perçu comme un drame et alors vu comme une opportunité de découvrir un nouveau monde, celui de la glace.

La baie de Disko est l’une des premières destinations touristiques du Groenland, cela en partie grâce à la possibilité d’observer des baleines à bosse, de faire du kayak et du traîneau à chien. C’est aussi de là-bas le meilleur endroit pour observer les icebergs. 

Pour ceux et celles qui rêvent de vivre une expérience insolite – tel que le soleil de minuit ou la nuit polaire – la région de Thulé est idéale. Accueillant une base militaire américaine, il est nécessaire d’avoir une autorisation pour se rendre sur ce territoire époustouflant. C’est aussi l’occasion de rencontrer les populations qui ont conservé jusqu’ici des coutumes ancestrales, comme la chasse, le campement sauvage et la cuisine, notamment le pain appelé “bannock”.

Visiter le Groenland est synonyme d’aventure ! Le trek est alors idéal pour partir à la rencontre des secrets de cette terre lointaine. L’itinéraire le plus connu étant le Arctic Circle Trail, il faut compter entre 9 à 11 jours pour le parcourir.

“Selon un rapport des Nations Unies publié en 2007, 1,5 million de touristes visitent l’Arctique chaque année contre 1 million au début des années 1990” souligne un article du JDN. Cette évolution du tourisme présente à la fois des côtés négatifs et positifs pour les populations locales. Mais concernant l’environnement, au vu du nombre de touristes, ne faut-il pas se demander si ces expériences sont aussi exceptionnelles ?

Le tourisme septentrional, une industrie polluante

Cependant, le développement exponentiel du tourisme en Arctique n’est pas sans risque pour les écosystèmes naturels. En plus du réchauffement climatique, l’arrivée de bateaux de tourisme engendre un pic de pollution. Des espèces envahissantes peuvent également être introduites. Les mammifères marins particulièrement sensibles aux sons se retrouvent rapidement saturés de bruit sous-marin qui représente un danger pour leur santé.

Et les nuisances sonores ne touchent pas que le milieu marin. En effet, avant la crise sanitaire le petit village scientifique de Ny-Aalesund, abritant la communauté scientifique internationale (180 scientifiques) s’est soudainement réveillé au rythme des allers-retours en motoneige. Certains jours le village pouvait même accueillir jusqu’à 3000 touristes. Entre piétinement d’espèces végétales protégées et accumulation des déchets, cette vague de touristes n’est pas sans conséquence. Les arrivées de bateaux au port saturent explosent les moyennes de CO2 et fines particules régionales.

Ainsi la transition touristique par le développement économique se fait également au détriment d’une augmentation progressive de la pollution.

Sur le plan humain, l’arrivée des touristes menace les systèmes de ravitaillement actuels, les petits commerces se retrouvant en manque de biens de première nécessité achetés par les touristes. L’arrivée des bateaux mène également à une raréfaction de certaines espèces marines près des côtes que les pêcheurs avaient pour habitude de prélever de longue date. Et tout cela au détriment des populations locales.

Repenser le tourisme en Arctique

Les premiers touristes polaires sont les Norvégiens au XIXe siècle. Mais, c’est au XXe siècle que l’on assiste à une réelle mise en tourisme de l’Arctique, cela se traduit en partie par les transports aériens qui se développent. En résulte le tourisme de masse. 

L’arrivée du tourisme sur ce territoire est à double tranchant, comme nous avons pu le voir précédemment. D’un côté les populations ont davantage accès aux infrastructures essentielles et à davantage de confort.  De l’autre, cette activité participe au dérèglement climatique : admirer des paysages dont la vulnérabilité se cache derrière leur beauté, revient à détruire ce que l’on est venu découvrir. La sensibilisation à ces enjeux est très présente en Arctique, mais bien souvent les touristes sont sensibilisés au travers d’activités qui, elles, fragilisent le milieu.

Le tourisme polaire a dans un premier temps été principalement destiné à une certaine élite touristique, mais il se démocratise de plus en plus et cela alerte les climatologues. Afin de conserver la biodiversité du monde polaire, certaines restrictions sont imposées, tel que le nombre de personnes en croisière et le temps passé en escale. De plus, de nombreux camps scientifiques sont présents en Arctique, par conséquent pour se rendre sur certains territoires, il est nécessaire d’obtenir une autorisation justifiant notre présence dans cet espace vulnérable. 

Ce lieu est propice à l’observation, au trek, aux balades en chien de traîneau, au vélo, au canoë, etc. Ces activités sont à privilégier aux activités polluantes comme les croisières ou les randonnées en moto skis. 

Afin de trouver le bon équilibre, il est important de mesurer son impact sur l’environnement avant de planifier son voyage en Arctique. Pour cela, il suffit de se renseigner sur les vulnérabilités écologiques et culturelles de cette destination pour trouver des activités, des moyens de déplacement et des logements alternatifs adaptés aux enjeux de ce territoire. Et également inclure un tourisme plus juste pour les populations locales. Voyager pour savourer la beauté de la nature avec un accord juste avec celle-ci et adopter un nouveau regard, c’est aussi cela organiser le plus beau des voyages au pays des ours polaires.