Contexte

Mars 2020, le coronavirus se répand à travers le monde comme un courant d’air. Les foyers de contaminations se multiplient, les cas de maladie se comptent par centaines de milliers, l’économie mondiale est figée spatialement et temporellement, l’humanité est en pause.

Et alors que l’Homme se confine, un peu partout sur la planète, la nature reprend ses droits. La population ne sort plus travailler, les voitures restent dans les garages, les avions sont posés fermement sur la Terre (80% des vols annulés à Milan le 14/03 1). 

Fig.1 – Variation journalière du pourcentage de vols maintenus à l’aéroport de Milan
Fig.2 – Clichés comparatifs du nombre de vols au dessus de l’Italie du Nord le 12 Janvier et le 12 Mars 2020

Tout le monde entend que l’air est à nouveau respirable en Chine, qu’on peut y voir la qualité de l’air s’améliorer à vue d’oeil, ou bien encore que des poissons sont visibles dans les canaux de Venise 2 … où des oiseaux viennent se poser dans des eaux plus claires qu’elles ne l’ont été durant de nombreuses années.

Simple virus grippal ou signal de notre planète Terre ? Ce qui est sûr, c’est que le COVID-19 et sa prolifération ont un impact qui semble conséquent sur la pollution, et ce, par le biais des mesures collectives que les états font appliquer dans leurs villes et pays.

Chez Murmuration-SAS, nous utilisons les mesures satellites du NO2 pour corréler pollution et avancée du coronavirus, à suivre dans cet article.

Le NO2 comme reflet de la pollution humaine

Vous l’avez compris, le proxy que nous utilisons pour cette étude est le taux de NO2 présent dans l’air. Un proxy est une variable qui n’est pas significative en soi, mais qui remplace une variable utile mais non observable ou non mesurable (ici la pollution). Cette concentration nous permet de jauger la pollution et son évolution dans les foyers de contamination Européens, les capitales ou les grandes zones industrielles.

Quelles sont les sources du NO2, polluant majeur de la troposphère ? Principalement, ce dernier, quand il est localisé dans la troposphère, provient de la combustion des moteurs et donc des moyens de transports. Les avions, les voitures, les bateaux, ainsi que les centrales à charbon participent fortement à l’accumulation de ce gaz dans notre air.

Nos amis les satellites

Copernicus est le programme d’observation de la Terre de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Il s’agit d’un programme ambitieux et unique qui s’intéresse à notre planète et à son environnement pour le bénéfice de tous les citoyens européens et plus largement la communauté internationale. Il offre des services d’information basés sur l’observation de la Terre par satellite et des données in situ (non spatiales) (plus d’information, ici).

Copernicus a permis le lancement d’un groupe de satellites appelés “les sentinelles”. Parmis ces observateurs, c’est la sentinelle 5P qui va nous intéresser ici. 

La Sentinelle-5 Précurseur a été mise en orbite le 13 Octobre 2017 par l’Agence spatiale européenne pour mesurer la pollution dans l’air. Son capteur embarqué est appelé Tropomi (TROPOspheric Monitoring Instrument), c’est bien cette couche de l’atmosphère qui nous intéresse.

Concernant les données sur lesquelles nous travaillons, elles sont accessibles depuis plusieurs sources mais nous avons opté pour un accès sur Google Earth Engine 3 où il existe deux dataset provenant de S5P :

  • NTRI : Pour “Near Real Time”, c’est celui que nous utilisons.
  • OFFL : Pour “Offline”.

Les données sont prétraitées pour enlever toute valeur avec une assurance qualité (QA) inférieure à 50. Cette dernière opération facilite les calculs ensuite ainsi que l’affichage des résultats.

Quels résultats au final ?

Vous l’avez compris, nous avons utilisé Google Earth Engine pour faire nos calculs. Ils proposent un éditeur de code 4 libre d’accès sur le web qui permet d’avoir accès aux données décrites précédemment.  Puis, en pseudo-Javascript, il est possible d’utiliser ces données pour afficher des mesures sur une carte du monde ou bien de calculer des valeurs particulières dans une zone définie au préalable. 

Un premier cas d’étude, a été de visualiser, grâce à un code couleur, la concentration de NO2 autour des différents foyer de contamination. Nous avons choisi des villes ou régions économiquement fortes pour observer sur ces territoires l’impact environnemental des mesures prises par les différents gouvernements. Ainsi, nous avons choisi de prendre deux périodes d’acquisition de durées égales des images qui pourraient mettre en valeur nos hypothèses. 

  • Première période : d’Octobre à Décembre 2019.
  • Deuxième période : de Janvier à Mars 2020.

(nous avons ensuite choisi deux périodes plus récentes, d’une semaine seulement, pour mettre en évidence les réactions à court terme des États)

Voici un exemple des résultats de cette première analyse :

Concentration de NO2 dans la zone industrielle du Nord de l’Allemagne
Concentration de NO2 dans la zone de Milan

Les résultats sont clairs. Nous pouvons constater, qu’en l’espace de quelques semaines, la chute du nombre de vols et le ralentissement du trafic routier ont impacté très positivement la qualité de l’air dans les zones concernées. Nous avons des images montrant ce même phénomène dans nombre d’endroits en Europe.

La deuxième analyse concerne la détection d’un pourcentage de diminution de la concentration dans ces zones. Grâce à Google Earth Engine, nous pouvons dessiner des formes (dans l’exemple ci dessous, un polygone) et calculer des valeurs statistiques à l’intérieur de ces formes.

         Fig.7 – Exemple de zone démarquée dans Earth Engine

Nous avons donc pu avoir accès à des valeurs comme la moyenne de concentration dans des zones particulières et ainsi, encore une fois, faire un “avant-après”. Il a donc été facile d’obtenir des pourcentages de diminution de la concentration en NO2 dans les foyers qui nous intéressaient.

Voici donc un graphe de ces pourcentages dans les 4 plus gros foyers de contamination européens en comparant deux couples de périodes différentes :

Fig.8 – Evolution du NO2 dans les principaux foyers de contamination

Ce graphe montre une réduction assez importante qui coïncide avec les politiques de confinement totale ou partielle décidées par les gouvernements concernés. Les ordres de grandeurs montre un net recul de la pollution en ligne avec la baisse significative de l’activité humaine. 

La crise actuelle concrétise et quantifie les efforts nécessaires pour réduire durablement l’impact négatif de l’activité humaine sur l’environnement. 

Sources