Flockeo : Pouvez-vous vous présenter ?

Karen : Nous sommes Karen (française) & Saïd (saharaoui), nous vivons dans le sud marocain. Nous avons créé notre agence de trek “Mélodie du désert” basée à Mhamid el Ghizlane, aux portes du désert marocain. Nous proposons uniquement des voyages à pied au cœur de la vallée du Drâa (désert). Nous portons une attention particulière à proposer des voyages authentiques, en toute simplicité, dans le respect des nomades, de leur coutume & mode de vie, et du désert.

Flockeo : Comment le Covid-19 impacte votre activité au quotidien ? Avez-vous observé des changements autour de vous (organisation de nouvelles formes de solidarité …) depuis le début de la crise ?

Karen : La suspension des vols depuis / vers le Maroc a stoppé net notre activité mi-mars. En théorie, la saison des treks se termine fin avril (de mai à septembre, les températures sont très élevées, donc les voyages à pied ne sont plus possibles). Cet arrêt précoce met en difficulté de nombreuses familles nomades, pour qui les revenus du tourisme représentent une grande part de leur rémunération. L’équipe Mélodie du désert est principalement composée de la famille (oncle, cousin) et de nomades de la tribu Aarib. Il y a toujours eu au sein de cette tribu une grande solidarité à travers les différentes crises passées (assèchement du Drâa, sédentarisation au village, inondation, sécheresse etc.). Les conditions climatiques du désert sont rudes mais l’entraide est grande. Le coronavirus a un impact sur les revenus perçus et l’entraide s’est déjà mise en place, avec notamment l’échange de bétail et de nourriture, l’aide à la mise en pâturage des troupeaux, le prêt de matériel…. Les nomades ont l’habitude de se satisfaire de très peu, le régime alimentaire peut être simple et le confort peut être très modeste. Cela n’entache en rien leur joie de vivre. Les liens familiaux sont très serrés et l’ont toujours été. À ce jour, aucun cas de Covid-19 n’est déclaré à Mhamid et dans le désert. Du point de vue sanitaire, il n’y a donc aucun changement.

Flockeo : Pensez-vous que la situation actuelle peut changer à long-terme les façons de penser ?

Karen : Cette situation, si elle reste “courte” ne devrait pas apporter de grands changements dans les modes de vie et habitudes des nomades … mais, pour l’Europe, nous avons eu des retours très intéressants de précédents trekkeurs qui nous indiquent que l’impossibilité « d’acheter et de consommer », ainsi que la non-préoccupation du temps qui passe leur rappellent beaucoup leurs expériences dans le désert : vivre heureux en se contentant de peu. Nous espérons que cette situation inédite apportera de la conscience sur la (sur-)consommation & l’impact de ce mode de vie accéléré que certains choisissent ou subissent outre-méditerranée…