L’aristocrate déchue devient l’une des premières féministes

Lorsque Flora Tristán quitte Paris pour le Pérou en 1833 ou, le pays de son père, elle ne sait pas que l’héritage qu’elle revendique la mènerait sur une voie très différente. Comment la fille d’un aristocrate péruvien et «paria» autoproclamée est-elle devenue l’une des premières militantes féministes et socialistes ?

Image : Wikipedia

Née en 1803 à Paris, Flora est la fille de Mariano Tristán y Marquis, colonel de la marine espagnole né au Pérou et d’Anne-Pierre Laisnay, une française exilée durant la Révolution. Le couple s’est rencontré et s’est marié en Espagne. Malheureusement, Tristán meurt subitement, Flora a 5 ans. La vie confortable qu’ils avaient menée se termina brusquement et des années de difficultés financières s’ensuivirent, obligeant Flora à se marier à 17 ans avec André Chazal, un graveur pour lequel elle travaillait comme coloriste. Ce fut une union très malheureuse, Chazal était jaloux et violent. Néanmoins, ils ont eu trois enfants ensemble dont Aline, la mère du peintre Paul Gauguin.

Voyage au Pérou et pérégrinations d’une paria

En 1825, Flora, alors enceinte d’Aline, décide de s’en aller. Le divorce n’était pas autorisé en France à l’époque mais ils ne revivront plus jamais ensemble. Pour subvenir aux besoins de sa famille, elle commence à travailler comme femme de chambre, ce qui la rendait particulièrement sensible au sort des travailleurs et à la condition des femmes en général.

En 1833, Flora a décidé de rencontrer la famille de son père au Pérou, dans l’espoir d’être reconnue et d’obtenir une part du patrimoine. Le voyage à Arequipa, où réside la famille Tristán, a été long et difficile. Elle est presque morte de soif en chemin. En rencontrant son oncle Pio Tristán y Moscovo, chef de famille et ancien vice-roi du Pérou, ses illusions vont vite se briser. Comme le mariage de ses parents n’a jamais été reconnu, elle était considérée comme illégitime, mais elle recevra quand même une petite pension. Après être restée quelque temps à Lima, elle n’a pu s’empêcher de remarquer l’injustice sociale au Pérou sur le chemin du retour. Le fossé entre riches et pauvres, hommes et femmes, péruviens d’origine espagnole, autochtones et afro-péruviens… Cela l’a amenée à écrire un livre, commençant sa carrière d’auteur: “Peregrinations of a Pariah”. Le livre n’a pas plu à l’oncle et la pension a été supprimée.

L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femmeElle est la prolétaire du prolétaire.

Flora Tristán

Féminisme et socialisme : une utopie

Libérée de tout jugement, Flora est devenue une militante politique, écrivant des livres, se mobilisant pour la cause de la condition des femmes, et demandant également la fin de la peine capitale. Le socialisme en était alors à ses balbutiements mais son intérêt pour l’utopie en devenir était grandissante. Elle a conçu son propre type de socialisme qu’elle a résumé dans le «Syndicat des travailleurs» (1843). Elle appelle à la création de «syndicats» si le prolétariat voulait devenir une force politique sur laquelle il fallait compter.

Flora a ensuite entrepris une tournée à travers la France pour promouvoir son livre et diffuser ses idées. Malheureusement, en novembre 1844, elle contracte la fièvre typhoïde et décède à Bordeaux à 41 ans. Ses rencontres et discussions avec des militants et des ouvriers d’usine ont été publiées à titre posthume.

En plaçant les femmes au cœur de sa réflexion politique, Flora Tristán a déclaré que les droits des travailleurs et des femmes étaient un combat unifié et que la véritable émancipation ne pourrait se produire sans la libération des femmes. Cela fait d’elle l’une des premières féministes modernes.